Qu'est-ce que c'est ?
Un « délai de prescription » est une loi qui fixe un délai maximum pour engager une procédure judiciaire après qu'un événement donné s'est produit. En droit pénal, l'événement déclencheur est souvent la commission d'un crime ou, dans certaines circonstances, la découverte qu'un crime a été commis. Ces lois varient selon les juridictions, notamment en ce qui concerne les crimes liés aux abus sexuels d'enfants et à l'exploitation des enfants. Dans certaines juridictions, le « tolling » (une pause ou un retard dans l'écoulement du temps dans un délai de prescription) peut être appliqué jusqu'à ce que la victime atteigne un certain âge ou pendant que le criminel se trouve en dehors de la juridiction concernée.
Position du NCMEC :
Les juridictions du monde entier devraient abolir les délais de prescription s’appliquant à l'ouverture de procédures judiciaires dans les cas d'abus et d'exploitation sexuels d'enfants, car il est prouvé que les criminels dissimulent couramment leurs délits et que les survivants ne divulguent généralement pas les faits avant de nombreuses années, quand ils ne s'en abstiennent pas complètement.
Pourquoi est-ce important ?
Les abus et l'exploitation sexuels d'enfants sont un type de crime qui est généralement commis dans un secret relatif, et diverses dynamiques créent des obstacles importants empêchant les enfants victimes de divulguer immédiatement leurs actes. En conséquence, les victimes ne révèlent souvent pas ces délits, des tiers ne les détectent pas, et les autorités n'en sont pas informées. Lorsque des délais de prescription encadrent ces crimes, il n'est plus possible pour les victimes d'obtenir justice par le biais de procédures civiles ou pénales avant que de nombreux survivants puissent surmonter les obstacles à la divulgation et participer à des procédures judiciaires. Ces lois permettent aux criminels d'échapper à la responsabilité de leurs actes, encouragent les comportements visant à empêcher la divulgation et promeuvent le secret. Une limite légale à l'accès d'un survivant à la justice peut également constituer un obstacle à sa réadaptation et à sa guérison suite à des expériences traumatisantes.
Quel contexte est pertinent ?
La « divulgation tardive » par les survivants a été étudiée et il est bien établi qu'il s'agit d'une réalité dans de nombreux cas d'abus et d'exploitation sexuels d'enfants. En outre, compte tenu de la nature même du crime, relativement peu de crimes d'abus et d'exploitation sexuels d'enfants sont commis à la vue du public et l'identité du criminel est rarement révélée. Si la divulgation tardive et le secret entretenu par le criminel sont prévisibles, les actions institutionnelles contribuent également à dissimuler ces crimes et constituent des obstacles difficiles à surmonter pour demander des comptes au civil ou au pénal en cas d'abus et d'exploitation sexuels d'enfants. Même lorsque ces obstacles sont surmontés, les survivants sont confrontés, dans de nombreuses juridictions, à des obstacles supplémentaires lorsque les lois locales ou nationales limitent l'ouverture d'une procédure judiciaire en raison du temps écoulé depuis la commission du crime.
Par exemple, dans l'État de l'Oregon aux États-Unis, les poursuites pénales doivent être engagées avant que l’enfant victime d’un abus et d'une exploitation sexuels n'atteigne l'âge de 30 ans (voir la loi révisée de l'Oregon 131.125). Si un criminel peut garder le secret, si la révélation d'un survivant est retardée et/ou si une dissimulation est suffisamment efficace pour empêcher une action en justice avant ce délai, le criminel ne sera pas tenu de répondre de ses actes devant la justice de cette juridiction.
Dans plusieurs pays, les délais correspondent à la durée potentielle d'emprisonnement associée à l'infraction. Lorsque ces peines sont courtes, les victimes d'actes criminels se voient refuser l'accès à la justice deux fois : une fois en raison de la courte peine, et une autre fois en raison du court délai de prescription correspondant.
D'autres juridictions, comme le Chili et le Salvador, ont déjà aboli les délais de prescription, si tant est qu'ils aient jamais existé, pour les crimes d'abus et d'exploitation sexuels d'enfants.
Que révèlent les données ?
CHILD USA, « Le groupe de réflexion à but non lucratif pour les enfants », est l'un des principaux acteurs du mouvement en faveur de la réforme des délais de prescription, tant aux États-Unis que dans le reste du monde. Ses publications citent des recherches établissant que 80 % des révélations des survivants sont retardées, voire jamais faites.
L'Union européenne a proposé une extension des délais de prescription dans les États membres à 20, 25 ou 30 ans, selon la nature du crime, après que la victime a atteint l'âge de la majorité. Pour justifier ce cadre, la proposition de loi cite des recherches montrant que les enfants victimes d'abus sexuels qui finissent par révéler les faits mettent en moyenne entre 17,2 et 21,4 ans pour le faire ; 60 à 70 % d'entre eux ne révèlent rien avant l'âge adulte ; et près de 28 % ne révèlent jamais rien du tout.
Bien que les informations sur les dossiers du NCMEC ne traitent pas spécifiquement des délais de prescription, la pratique du NCMEC consistant à conserver les signalements effectués auprès à la CyberTipline permet aux enquêteurs de rechercher et d'analyser des informations plus anciennes à l'appui des enquêtes en cours, ou de nouveaux signalements afin d'actualiser et de faire progresser des enquêtes qui auraient pu rester en suspens. Ces informations ne peuvent être pleinement utilisées pour rendre justice aux victimes et demander des comptes aux criminels que lorsque les délais de prescription n'existent pas.
Qu'en ont dit les survivants ?
Les survivants font souvent l'expérience d'une divulgation tardive, ce qui est cohérent avec les recherches sur ce thème. Certains survivants ont décrit les délais de prescription comme des obstacles supplémentaires à la recherche de la justice et comme un mécanisme qui met en danger les communautés du fait qu'ils exonèrent les criminels de toute responsabilité. Lorsque les forces de l'ordre n'enquêtent pas sur des allégations qui ne peuvent plus faire l'objet de poursuites en raison du délai de prescription, d'autres enfants victimes et adultes vulnérables, y compris ceux qui n'ont pas révélé les abus dont ils ont été victimes, risquent de continuer à subir des préjudices. Bien que l'abolition des délais de prescription relatifs aux délits d'exploitation sexuelle des enfants soit fortement soutenue, tant qu'ils resteront en vigueur, les survivants ont demandé l'extension des délais pertinents.
En ce qui concerne la pratique courante consistant à retarder l'exécution d'un délai de prescription jusqu'à ce que le survivant atteigne l'âge de la majorité, les survivants ont fait remarquer que peu, voire aucun, des facteurs contribuant à retarder la révélation ne sont résolus en atteignant un certain âge. Plus particulièrement dans les cas d'abus familiaux, les criminels sont souvent en mesure d'exercer un contrôle sur les survivants jusque dans leur vie adulte. Même lorsque ce contrôle ne s'étend pas jusqu'à l'âge adulte, les services d'enquête, de poursuite et de justice qui n'intègrent pas suffisamment les pratiques tenant compte des traumatismes peuvent également dissuader les survivants de s'engager pleinement dans la voie judiciaire. Le fait de supprimer les délais de prescription donnerait également le temps d'améliorer les systèmes afin d'atténuer les risques de préjudice supplémentaire pour les survivants.
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Bien que la responsabilité pénale soit soumise à des délais de prescription, il n'y a pas de limites aux effets de ces crimes sur la victime. Les effets négatifs durent toute la vie.
- Un(e) survivant(e)
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Les délais de prescription dans les cas d'abus et d'exploitation sexuels d'enfants devraient être abolis à l'échelle mondiale, car nous savons — d'un point de vue tenant compte des traumatismes et d'après des recherches fondées sur des données probantes — que ces délais imposent aux victimes un fardeau indu pour dénoncer les crimes commis à leur encontre avant qu'elles ne soient psychologiquement capables de le faire.
- Un(e) survivant(e)
Sur quoi s'appuient les points de vue opposés ?
Les délais de prescription sont souvent fondés sur des concepts de raisonnabilité et d'équité plutôt favorables aux criminels. La logique peut être qu'il est « raisonnable » pour un enfant victime, lorsqu'il atteint l'âge adulte, de surmonter les obstacles au signalement et de faire les révélations nécessaires dans un certain laps de temps. De même, certains pensent qu'il est « juste » que les criminels présumés ne soient pas accusés d'avoir commis des fautes dans le passé, parce qu'il peut être plus difficile d'organiser une défense après de nombreuses années.