Qu'est-ce que c'est ?
Dans le domaine de la protection de l'enfance, l'identification des victimes fait référence à un processus d'enquête ou d'analyse visant à localiser et à identifier les victimes représentées dans du matériel d'abus sexuels d'enfants (CSAM) ou du matériel connexe, dans le but premier de protéger la victime contre d'autres préjudices et dans le but secondaire d'appréhender et de poursuivre le ou les criminels. En tant que stratégie centrée sur les victimes, l'identification de ces dernières diffère de certaines approches traditionnelles des services répressifs en matière de criminalité, qui donnent la priorité à l'identification et à l'arrestation des criminels.
Position du NCMEC :
L'identification des victimes devrait être une motivation essentielle dans les enquêtes portant sur l'exploitation sexuelle des enfants, et les services répressifs devraient recevoir l'aide nécessaire pour donner la priorité au financement régulier et continu de l'équipement, de la formation, du personnel et des activités opérationnelles soutenant les efforts d'identification des victimes.
Pourquoi est-ce important ?
Lorsque les services répressifs et les autres organismes de protection de l'enfance appliquent des approches centrées sur la victime dans leur travail, le bien-être de la victime est la principale motivation. Un travail d'identification des victimes correctement exécuté s'appuie sur une compréhension et une prise de conscience de l'infraction pénale, de l'abus sexuel d'enfants et du préjudice causé aux enfants victimes, y compris l'impact des traumatismes sur les victimes, et cherche à identifier et à protéger les enfants de tout préjudice chaque fois que cela est possible. Le fait de donner la priorité à l'identification de la victime permet non seulement de mettre un terme à l'abus actuel et de prévenir les abus futurs potentiels commis par le même criminel, mais aussi d'atteindre les objectifs du système juridique relatifs à la protection des enfants victimes. Après l'identification des enfant victimes, cette approche respecte la vie privée et la dignité des survivants, reconnaît le préjudice qu'ils ont subi et donne la priorité à leur sécurité et au processus engagé en vue de leur rétablissement par rapport à d'autres résultats possibles du système judiciaire.
L'accent mis sur l'identification des victimes ne diminue en rien l'importance d'appréhender les criminels et de faire en sorte qu'ils répondent de leurs actes. Du point de vue de l'enquête, une approche centrée sur la victime peut aider à identifier les criminels et les autres victimes, et à établir les preuves d'une manière qu'une approche centrée sur le criminel peut ne pas permettre. Une enquête visant à appréhender un criminel pour distribution de CSAM peut se concentrer principalement sur des facteurs tels que le nombre d'images et le type d'exploitation en question, ainsi que sur les plateformes en ligne qu’il a utilisées. En se concentrant sur les infractions liées à la distribution, on risque de perdre de vue les indices qui pourraient aider à identifier les enfants victimes, les témoins et d'autres éléments de preuve. Une approche centrée sur la victime peut souvent conduire à l'identification de criminels et d'autres victimes, ainsi qu'à la collecte de preuves physiques et électroniques et d'autres informations permettant d'établir la responsabilité des auteurs.
Quel contexte est pertinent ?
Dans le contexte des efforts modernes de protection de l'enfance, l'identification des victimes peut être lourde financièrement, mais aussi en termes de temps et d'efforts humains. Le développement de nouvelles technologies et l'adaptation des technologies existantes peuvent contribuer à alléger cette charge.
L'identification des victimes basée sur le CSAM repose en grande partie sur un processus d'analyse d'images et de vidéos dans lequel les enquêteurs examinent tous les aspects d'un fichier CSAM et des images connexes (y compris non explicites) afin de découvrir des indices qui pourraient conduire à la victime. Les éléments d'un fichier CSAM soumis à cette analyse comprennent la représentation elle-même, les sons qui l'accompagnent (comme dans le cas d'une vidéo avec le son associé), les communications textuelles sur le fichier ou les descriptions de celui-ci, ainsi que les métadonnées associées.
Dans le cadre d'une enquête impliquant du CSAM, l'identification de la victime consiste à reconnaître l'abus décrit, puis à se concentrer sur d'autres détails susceptibles d'aider à l'identifier et à la localiser. La collaboration internationale peut renforcer l'identification des victimes, et la communication entre les praticiens de l'identification des victimes est essentielle pour éliminer les efforts redondants et éviter que les multiples contacts avec les forces de l'ordre n'engendrent de nouveaux traumatismes pour les victimes. La déconfliction — processus par lequel les agences s'assurent que leurs enquêtes ne font pas double emploi ou ne sont pas en conflit avec le travail d'autres agences — permet de ne pas déployer d'efforts inutiles pour identifier les victimes qui ont déjà été protégées, les protégeant ainsi du traumatisme lié à de nouvelles interactions avec les forces de l'ordre dans le cadre d'affaires déjà résolues. Les centres d'échange d'informations tels qu'INTERPOL, le Child Victim Identification Program (CVIP) du NCMEC, Europol et d'autres bases de données dans le monde jouent un rôle essentiel dans ce partage d'informations cruciales sur les efforts d'identification des victimes.
La technologie peut accélérer le processus d'identification des victimes en facilitant la reconnaissance d'objets dans les images, en identifiant rapidement les fichiers dont les métadonnées indiquent la localisation, en recourant à la reconnaissance faciale pour les sujets non identifiés et en expurgeant les détails explicites afin de limiter l'exposition des enquêteurs à des contenus préjudiciables. Les gains de temps peuvent se traduire par des économies, car les enquêteurs consacrent moins de temps au traitement d'un plus grand nombre de documents. L'utilisation de la technologie favorise également le bien-être du personnel (en réduisant l'exposition à des contenus préjudiciables, par exemple) et contribue à garantir l'engagement et la productivité.
Le travail d'identification des victimes est une discipline spécialisée, et les efforts sont plus efficaces lorsque des personnes bien formées, expérimentées et provenant d'horizons divers collaborent entre les différentes juridictions. Cela est d'autant plus important qu'une grande partie de l'exploitation sexuelle des enfants en ligne est de nature internationale. Par exemple, un criminel en Europe peut collecter et distribuer du CSAM produit en Asie et représentant des enfants de cette même région. Les enquêteurs asiatiques peuvent plus rapidement confirmer ou exclure des juridictions potentielles sur la base de leur connaissance personnelle et des éléments locaux ou régionaux du contenu (y compris les langues parlées et les accents, les noms de marque ou les logos, les lieux emblématiques, etc.) La recherche de ces éléments pourrait nécessiter du temps et des ressources de la part d'un enquêteur originaire d'un autre pays ou d'une autre région.
Conscientes de l'importance de la diversité des ressources nécessaires à l'identification des victimes, diverses organisations organisent périodiquement des opérations interinstitutions d'identification des victimes, réunissant des enquêteurs et des analystes de divers pays et régions pour qu'ils collaborent. Ces opérations sont menées dans le cadre d'enquêtes ouvertes sur les CSAM et aboutissent régulièrement à des résultats rapides, notamment la confirmation des juridictions compétentes, l'identification et la protection des victimes, et l'arrestation des criminels.
La collaboration internationale est essentielle à l'identification des victimes et dépend également des décisions politiques prises par les services répressifs nationaux et locaux pour financer, équiper, former et affecter le personnel de manière adéquate à ce travail.
Le NCMEC a joué un rôle de pionnier dans la modernisation des efforts d'identification des victimes en créant, en 2002, ce qui est devenu son Child Victim Identification Program (CVIP), une équipe actuelle de 30 personnes qui analysent le CSAM pour aider à identifier les victimes, partagent les analyses avec les services répressifs afin de soutenir les enquêtes visant à protéger les victimes et facilitent les liens interinstitutions en matière d'enquêtes et de poursuites. Le CVIP dispense également des formations, participe à des opérations internationales d'identification des victimes et soutient les survivants. Aux États-Unis, le CVIP est le centre national de référence pour l'identification des enfants victimes de CSAM.
Que révèlent les données ?
De nombreuses opérations internationales et interinstitutions menées au cours de la dernière décennie ont contribué à l'identification de centaines d'enfants représentés dans des documents sur l'exploitation sexuelle des enfants, ainsi qu'à l'enquête sur des centaines de criminels et à leur arrestation. Depuis 2014, les opérations menées par le groupe de travail d'identification des victimes d'Europol ont soutenu des actions visant à sauver plus de 700 enfants et à arrêter 230 criminels. En avril 2024, des représentants de 24 pays (dont des États membres et non membres de l'UE) ont participé à la 14e opération d'Europol, au cours de laquelle ils ont identifié les juridictions compétentes pour plus de 180 affaires, ce qui a permis d'identifier et de protéger quatre victimes et de poursuivre de nombreuses autres enquêtes.
En juillet 2023, les services de police fédéraux des États-Unis se sont associés à d'autres organisations pour mener une opération d'identification des victimes pendant trois semaines. En utilisant l'intelligence artificielle et des modèles d'apprentissage automatique pour générer des pistes d'enquête sur plus de 300 cas d'exploitation sexuelle d'enfants en ligne, cet effort « a conduit à l'identification et/ou au sauvetage [de] plus de 100 victimes d'abus et à l'arrestation de nombreux criminels présumés. »
Une opération d'identification des victimes menée en Australie en 2023 a permis d'identifier huit victimes en Australie et de transmettre des informations sur près de 80 autres victimes aux autorités de 14 autres pays.
De 2002 à 2023, le CVIP du NCMEC a examiné plus de 406 millions d'images et de vidéos dans le cadre de sa mission d'identification des victimes. Pour la seule année 2023, le CVIP a reçu de la part des services de police plus de 4 600 demandes d'examen portant sur plus de 32 millions de fichiers. Le CVIP suit activement plus de 40 400 séries de CSAM — des groupes d'images liées à la même victime ou aux mêmes victimes — représentant des enfants non identifiés que les analystes tentent de localiser et d'identifier.
En septembre 2024, le NCMEC a organisé une opération d'identification des victimes d'une semaine à son siège aux États-Unis. Cette opération a rassemblé des participants de 21 organismes d'application de la loi qui ont travaillé aux côtés du personnel du CVIP du NCMEC sur l'identification des victimes dans le cadre des affaires de CSAM. Grâce à cette opération, le NCMEC a pu transmettre plus de 225 dossiers aux services répressifs du monde entier et a reçu, au cours de la même semaine, des informations indiquant que de nombreuses victimes avaient été retrouvées.
Qu'en ont dit les survivants ?
Tout en reconnaissant les efforts déployés pour l'identification des victimes, les survivants recommandent également d'améliorer les étapes postérieures à l'identification, à savoir la notification, l'intervention et les services de traitement et de rétablissement. Suite à des expériences négatives avec les forces de l'ordre, certains survivants soutiennent l'implication nécessaire des organisations de la société civile dans ce travail afin de promouvoir des réponses plus respectueuses des traumatismes.
Les survivants mettent également fortement en garde contre le fait de donner la priorité à un type de victime d'abus ou d'exploitation sexuels d'enfants plutôt qu'à un autre. Si des images récentes peuvent indiquer un abus en cours, un enfant non identifié représenté sur des images plus anciennes peut également être victime d'un abus en cours, même des années après que les services de police ont eu connaissance d'une image.
Pour éviter d'aggraver le traumatisme des survivants, les spécialistes de l'identification des victimes doivent faire preuve de prudence et éviter tout préjudice involontaire lorsqu'ils prennent et communiquent leurs décisions en matière de priorité. Pour de nombreux survivants, les expériences vécues avant, pendant et après les préjudices subis sont des aspects tout aussi importants de leur processus de rétablissement.
![]()
Le CVIP du NCMEC a sauvé la vie de mon enfant. L'analyste a rapidement déterminé que la maltraitance se poursuivait et a donné la priorité au dossier pour le sortir de cette situation le plus rapidement possible. ... Sans la ténacité de l'analyste et du détective, mon enfant aurait pu subir d'autres abus s'ils n'avaient pas fait de l'identification une priorité.
- Parent d'un(e) survivant(e)
Sur quoi s'appuient les points de vue opposés ?
L'opposition explicite au travail d'identification des victimes est rare. Dans la mesure où quelqu'un exprimerait un point de vue contradictoire, ce dernier pourrait se fonder sur des préoccupations relatives à l'allocation des ressources et sur des questions d'impact compte tenu des investissements nécessaires. Certains peuvent également faire valoir qu'une plus grande attention portée à la prévention, plutôt qu'à l'intervention, constituerait une meilleure utilisation de ressources limitées.